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Pump Up the Culture

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Loge de la fiction


Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Publié par Woodrow sur 28 Octobre 2012, 16:50pm

Catégories : #cinéma, #hoodmovies, #frères Hughes, #Singleton

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Lorsqu’on évoque le genre cinématographique du "Hood movie" (ces films peignant le quotidien de ghettos afro-américains), deux films des années 90 sont le plus souvent cités : Boyz’n the Hood de John Singleton et Menace II Society des frères Hughes. Mais si ces deux 2 films partent d’une intention commune de décryptage d’une certaine réalité sociale américaine, le traitement n’est assurément pas le même.

Cachez cette violence que je ne saurais voir

Ce qui frappe à la vision de Boyz’n the Hood est tout d’abord son ton politiquement correct alors qu’il est censé illustrer une réalité qui ne l’est pas. Et ce paradoxe est présent dès les premières minutes du film. Quand dans Menace II… les Hughes décide de montrer le meurtre d’un couple d’épiciers coréens puis des images d’archives des soulèvements populaires de Watts1 afin d’ancrer dès le début leur propos dans une réalité socio-historique, Singleton quant à lui débute son film par une mention à l’écran faisant état d’une statistique sur la mortalité des hommes noirs aux Etats-Unis. La froideur d’une statistique comme elle serait délivrée par un organisme d’institut lambda,  face à une scène choc/images d’archives interpellant directement le spectateur.

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories
Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Deux introductions en symboles immédiats de notes d'intention différentes

Cette dichotomie entre les deux films s’accentuera tout le long. La quête de rédemption du personnage principal de Menace…, Caine, voyou notoire, ne trouvant aucun équivalent dans le film de Singleton : Tre étant totalement étranger à la violence qui sévit dans son quartier (justifié par le fait que son père l’ait éduqué dans ce sens-là) paraît au final bien étranger au film même. Essayant bien souvent de raisonner ses amis sur les risques que leur mode de vie implique, ses exhortations répétées ressemblent au final à des remarques qu’un spectateur portant sa bonne conscience en bandoulière pourrait faire face au film. Avec un tel sujet, créer un tel repère moral aussi évident pour le spectateur relève d’un sacré manque de courage !

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

La figure du père si dissemblables, qui conditionnera l'existence de Tre et Caine

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories
Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Quand dans Boyz'n the Hood, l'un des personnages jubile devant la "violence" fictive d'un jeu-vidéo (ici Duck Hunt), O-Dog de Menace... lui fanfaronne devant la vidéo de son meurtre bien réel

 

Les règlements de compte et le trafic de drogue sont aussi deux composantes récurrentes dans le genre et il est étonnant de voir que dans Boyz les personnages font souvent écho de ces deux fléaux qui sévissent dans le quartier, mais ceux-ci restent étonnamment hors-champ (excepté pour le meurtre déclencheur de la vendetta finale) là où les frères Hughes optent pour une représentation frontale et sans concessions², sans jamais tomber dans la surenchère racoleuse. Juste en restituant un état de fait sans fard, à l’image du meurtre froid d’un junkie  un peu trop insistant, et commis comme un acte banal par le personnage de O-Dog, et dont les témoins, et amis du meurtrier, ne s’en étonneront pas du tout.

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Petit jeu de déduction : dans lequel des deux films apparaît ce plan ?

 

Boyz évoque donc ces fléaux sans se mouiller, en les présentant de manière quasi-abstraites, là où Menace va jusqu’au bout de leur représentation sans mettre la poussière sous le tapis.

« That's the sound of da police! »

Dans les hood-movies, la représentation des autorités policières est inévitable. Représentation d’un paternalisme puant « au mieux » ou figure ouvertement menaçante, la représentation des hommes en bleus fait encore l’objet de différences notables. Boyz’n the Hood évacue d’emblée les questions de violences policières racistes (l’affaire la plus connue de cet état de fait étant l’affaire Rodney King, survenu un an après le film, mais loin d’être une première3) en présentant un policier ripoux noir, en opposition à son collègue blanc paraissant plus mesuré et essayant même de le calmer dans son début de confrontation avec le père de Tre. Singleton afin d’éviter toute méprise possible pour ne pas choquer le bourgeois, occulte donc une réalité.

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Le very very bad cop noir contrastant avec le tempérament calme de son collègue blanc

Menace… quant à lui n’y va pas par quatre chemins : on assiste à une arrestation arbitraire (la voix off de Caine nous indique : « Ils nous arrêtaient sans raison, juste pour voir… ») et à un passage à tabac commis par deux policiers blancs.

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Comme un air de déjà-vu avec les images d'archives de Watts présentées en début de film

God Bless America?

La quête spirituelle, en opposition au materiel, est également quelque peu évoquée dans les deux films. Boyz fait état de ses doutes, à travers le personage joué par le rappeur Ice Cube, sur l’existence d’un dieu alors que des individus meurent chaque jour sous les balles dans son quartier. Menace pousse la réflexion en ne la limitant pas à cette question somme toute courante et en ne le restreignant pas à son aspect littéralement religieux. Dans Menace… Caine lui rejette un dieu qu’il considère blanc, mais qui faisait la force de l’ancienne génération, symbolisée par son grand-père. L'abandon du spirituel vers le culte du matériel (symbole des années Reagan et du capitalisme outrancié de la décennie antérieure au film) est présenté comme une des causes du déchainement de violence assez inouï des jeunes du ghetto. Ici, les frères Hughes rejoignent Dostoïevski, dans les frères Karamazov : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ». Cette phrase ne se limite pas à son sens religieux, mais bien à un besoin de l’individu de croire en quelque chose pour pouvoir évoluer positivement.

Boyz'n the Hood vs Menace II Society : ghetto stories

Au final la rédemption de Caine viendra donc à travers son besoin et son désir de fonder une famille avec le personnage de Ronnie (Jada Pinkett-Smit), abandonnant ainsi l’idéologie capitaliste de marchandisation des corps (ici féminins), et dans lequel il baignait jusqu’ici, incarnée par des terminologies mysogines, les « whores » et apparentés, souvent utilisées par les personnages du film.

Et c’est encore là que le choix d’un personnage ambivalent dans Menace II Society, s’avère plus ingénieux, suivant la règle élémentaire qu’un personnage de fiction est intéressant et peut personnifier des thématiques fortes si celui-ci est amené à évoluer. On est donc encore loin de l’angélisme forcé et stagnant de Boyz’n the Hood.

 

1Soulèvement populaire survenu dans le quartier de Watts, à Los Angeles, en 1965 et survenu après l’arrestation arbitraire de 3 familles noires. Des affrontements entre la population locale et les forces de polices firent près de 40 morts et 1000 blessés.

2Il existe même une director’s cut avec quelques plans graphiques supplémentaires http://www.movie-censorship.com/report.php?ID=5135096

3Les Black Panthers avaient d’ailleurs milité contre ces violences, jugées bien souvent comme étant légales, dans les années 1970.

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D
There were some real thrillers in those times. I think that was the golden age of Hollywood thrillers. It is such good experience to go through the information shared here regarding some thrilling movies. Keep sharing!
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M
nice share!
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F
dfbnftg
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